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Que reste-t-il de la Syrie depuis la fin de la guerre civile qui avait débuté en 2011, lors de la vague des « printemps arabes » ? Les reportages publiés dans ces colonnes depuis le 15 septembre, comme ceux qui vont suivre, apportent des éléments de réponse d’autant plus précieux qu’il s’agit d’un pays plus que jamais fermé à double tour. Leurs leçons sont alarmantes. Après la déflagration d’une guerre livrée avec une brutalité inouïe par le régime de Bachar Al-Assad et les milices djihadistes qui avaient profité un temps de son affaiblissement, ces reportages décrivent en effet un pays livré à une lente et désespérante implosion. Il ne s’agit pas seulement de ruines qui ne se relèvent pas et de la misère endémique, mais aussi du démembrement d’une société et de l’oblitération d’une génération tenaillée par la tentation de l’exil, lorsqu’elle n’a pas été broyée par la guerre.
Les raisons en sont bien connues. La dynastie kleptocrate au pouvoir à Damas l’a emporté avec le soutien de pays, l’Iran et la Russie, mus par leurs propres intérêts stratégiques. Le premier est concentré depuis sur sa survie et le second absorbé par la guerre qu’il a imposée à l’Ukraine. Aucun n’a les moyens de parachever la restauration totale de la mainmise de Bachar Al-Assad sur un territoire dont des pans continuent de lui échapper, et encore moins de financer une reconstruction coûteuse et de très longue haleine.
L’influence acquise par le régime iranien durant une décennie de plomb, qui explique les bombardements israéliens à répétition sur un territoire qui a perdu une bonne partie de sa souveraineté, ne peut que dissuader les pays du Golfe à s’engager. L’effet des sanctions imposées par de nombreux pays occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, ajoute un dernier verrou. Le Caesar Syria Civilian Protection Act a été adopté en 2019 par le Congrès américain au nom de la lutte contre l’impunité. Il vise les crimes de guerre innombrables contre son peuple dont le régime syrien s’est rendu coupable, des bombardements chimiques à l’usage industriel de la torture.
Bachar Al-Assad fait le calcul que la realpolitik finira par faire disparaître ces sanctions, une fois reconnu le seul pouvoir qui lui reste, la nuisance, illustré par son rôle délétère dans le trafic d’une drogue de synthèse dévastatrice à l’échelle de la région. Sans avoir concédé la moindre parcelle de pouvoir.
Ce calcul reste cependant vain. La réintégration symbolique de la Syrie au sein d’une Ligue arabe impotente en 2023, à l’initiative de l’Arabie saoudite, n’a modifié en rien la situation d’impasse dans laquelle se trouve le pays. Ni le comportement du maître diminué de Damas. Les appels récents, au sein de l’Union européenne, à renouer avec lui doivent être mis en regard avec ce précédent particulièrement décevant.
Cette impasse ne cesse d’engendrer une lassitude internationale, surtout de la part des pays qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés chassés par la guerre civile. Une partie d’entre eux, notamment en Europe, sont désormais prompts à considérer que la Syrie est redevenue un pays sûr vers lequel ces réfugiés pourraient être renvoyés. Les reportages que nous publions montrent qu’il n’en est rien. Bien au contraire. Sous une autre forme, moins bruyante mais tout aussi destructrice, le calvaire syrien se poursuit.
Le Monde
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